Taxation distincte des profits perçus tardivement en raison d’un litige : analyse de la jurisprudence récente

Dans un arrêt récent, la Cour constitutionnelle a jugé que le régime de taxation distincte,  applicable aux rémunérations des travailleurs salariés, lorsqu’ils sont payés tardivement en raison d’un litige, viole le principe d’égalité dans la mesure où cette taxation distincte n’est pas étendue aux profits perçus tardivement dans des circonstances similaires.

A titre de rappel, les arriérés de rémunération perçus par les salariés bénéficient d’un régime de taxation distincte. Concrètement, ils échappent aux taux d’imposition progressifs habituels et sont soumis au taux d’imposition « moyen afférent à l’ensemble des revenus imposables de la dernière année antérieure pendant laquelle le contribuable a eu douze mois de revenus professionnels imposables ». Ce traitement fiscal s’applique lorsque le versement de ces arriérés est conditionné par l’existence d’un litige ou l’intervention d’une autorité publique. Ce régime vise à alléger la charge fiscale des salariés dans des situations où la perception tardive des revenus est indépendante de leur volonté.

En revanche, les profits perçus tardivement par les travailleurs indépendants sont généralement imposés au taux d’imposition « afférent à l’ensemble des autres revenus imposables ». Cette imposition distincte ne s’applique cependant qu’aux cas où le paiement des profits est retardé en raison de l’intervention d’une autorité publique et où les prestations concernées couvrent une période excédant 12 mois. En outre, l’imposition distincte ne s’applique qu’à la portion des profits qui excède un montant équivalent à 12 mois de prestations. 

On ne peut que constater que dans le cas des arriérés de profits, est seul visé le retard de paiement par le fait de l’autorité publique.

Océane MAGOTTEAUX

Avocate stagiaire

Dans l’affaire en question, un architecte avait perçu des arriérés d’honoraires pour des prestations effectuées entre 2010 et 2012, après un litige judiciaire avec un associé. L’administration fiscale a refusé d’appliquer le régime de taxation distincte, arguant que le régime applicable aux arriérés de profits ne couvre que les paiements différés à cause de l’intervention d’une autorité publique. Les sommes perçues par l’architecte ont dès lors été taxées selon les taux progressifs habituels.

Dans son arrêt, la Cour constitutionnelle rappelle tout d’abord que le principe d’égalité n’empêche pas qu’une différence de traitement soit accordée à certains contribuables si elle repose sur un critère objectif et qu’elle est raisonnablement justifiée.

La Cour reconnait qu’il existe des différences entre les travailleurs indépendants et les salariés mais qu’ils sont néanmoins comparables lorsque le versement de leurs revenus est retardé en raison d’un litige.

La Cour souligne ensuite que l’objectif de la taxation distincte des arriérés de rémunérations des salariés est de lisser l’imposition lorsque ces revenus sont payés tardivement. Par conséquent, elle estime qu’il n’est pas exact d’exclure les travailleurs indépendants du bénéfice de ce régime lorsque le retard de paiement résulte de l’existence d’un litige.

Eu égard à ce qui précède, la Cour conclut donc à la violation du principe d’égalité.

Elle apporte ainsi une précision importante : désormais, un juge pourra appliquer le régime de taxation distincte aux profits perçus tardivement en raison d’un litige.

En conclusion, cet arrêt de la Cour constitutionnelle rappelle au législateur que la différence de statut entre salariés et indépendants ne doit pas être un prétexte pour créer des disparités injustifiées dans le traitement fiscal.