Modernisation de la chaine TVA : quels impacts pour les assujettis ?
La loi du 12 mars 2023 a apporté des modifications importantes dans le Code de la TVA afin de moderniser le traitement des déclarations périodiques à la TVA (« chaîne TVA ») et la perception des créances fiscales et non fiscales au sein du SPF Finances.
La « chaîne TVA » débute dès la collecte de la taxe par l’assujetti auprès de ses clients jusqu’à la déclaration de cette taxe et le paiement de celle-ci à l’administration.
Initialement, la loi précitée devait entrée en vigueur le 1er janvier 2024. Cependant, et au regard des développements informatiques qu’engendrait ladite réforme, il a été décidé de repousser la date d’entrée en vigueur au 1er janvier 2025.
1. Philosophie de la réforme
Il ressort de l’exposé des motifs de la loi que cette réforme s’inscrit dans le cadre de la réduction de l’écart dans les recettes TVA qu’enregistre la Belgique. Le législateur rappelle qu’en 2019, le « VAT GAP » (c.-à-d. l’écart de TVA entre les recettes estimées et les recettes effectivement perçues) se chiffrait pour la Belgique à près de 4,444 milliards d’euros, ce qui représentait plus de 12 % des recettes TVA, qui théoriquement auraient dû être perçues. Cette différence s’explique par la fraude ou l’évasion à la TVA, les mécanismes d’optimisation, les faillites et autres procédures d’insolvabilité ou encore par l’organisation d’insolvabilité. Elle peut provenir également d’erreurs humaines commises dans le cadre des procédures de perception et de recouvrement par le SPF Finances lorsque les processus requièrent un nombre important de traitements manuels.
Par conséquent, l’objectif de cette réforme est de parvenir à une harmonisation et à une plus grande automatisation des processus de perception afin de permettre aux fonctionnaires de s’atteler à des tâches d’investigation plutôt qu’à de l’encodage.
2. Principaux changements attendus
Cette réforme apporte les modifications importantes qui suivent :
- La disparition du compte-courant TVA au profit d’un système dans lequel l’assujetti est acteur de ses droits et de ses obligations et, singulièrement en ce qui concerne la gestion de ses dettes TVA et des crédits TVA qui lui sont restituables ;
- De nouveaux délais fixés au 25ème jour du mois suivant la période de déclaration pour le dépôt des déclarations périodiques à la TVA et le paiement de la taxe qui en découle dans le chef des assujettis trimestriels. En revanche, rien ne change pour les assujettis déposants mensuels ;
- L’instauration d’une procédure automatisée de gestion des non-dépôts des déclarations périodiques à la TVA débouchant, en cas de non-dépôt, sur la notification d’une (proposition de) déclaration de substitution visant à se substituer à la déclaration périodique manquante en reprenant un montant de TVA due fixé de manière automatique (montant de TVA due le plus élevé des 12 derniers mois avec un minimum de 2.100,00 €) ;
- L’instauration de délais précis pour la réponse à des demandes d’informations adressées aux assujettis par l’administration (en principe, un mois. Limité à 10 jours dans certaines circonstances) ;
- Une réforme de la procédure de restitution des crédits TVA découlant de la déclaration périodique à la TVA incluant la généralisation de la restitution mensuelle de ces crédits TVA pour les assujettis déposant des déclarations mensuelles. La demande de remboursement par le biais de la déclaration TVA n’implique plus un remboursement du crédit TVA total mais uniquement du crédit TVA de la déclaration ;
- L’instauration d’un nouvel instrument comptable de gestion des crédits TVA, lorsqu’ils ne sont pas restitués immédiatement, et des paiements effectués par l’assujetti, à savoir le « Compte-provisions TVA » ;
- Plusieurs modifications en matière de perception de la taxe et singulièrement l’instauration, comme moyen de paiement, de la domiciliation bancaire.
Cette réforme de la chaîne TVA entraîne, outre les modifications apportées au Code, une série de modifications aux arrêtés royaux d’exécution du Code précité.
A partir de l’année 2025, l’AGPR sera chargée de la perception de la TVA.
Sophie SPRIO
Avocate
Ainsi, le compte-courant qui permettait de gérer les paiements des dettes et les remboursements des crédits TVA résultant tous deux du dépôt des déclarations périodiques à la TVA, laissera place à un nouvel instrument nommé « le Compte-provisions TVA » qui s’intègrera davantage dans les processus de l’AGPR et permettra plus aisément de stimuler les paiements volontaires d’une part, et l’auto-gestion par les assujettis d’autre part, de sorte que ceux-ci pourront gérer de manière beaucoup plus simple leurs crédits TVA et en demander la restitution, sans passer par une demande formelle auprès de l’administration. Dans ce cadre, l’assujetti pourra demander, au travers de son compte dans l’application “My Minfin”, partiellement ou totalement, la restitution des crédits inscrits sur le Compte-provisions TVA de manière quasi-instantanée, sans aucun formalisme particulier. Par ailleurs, il pourra également demander la restitution du crédit TVA résultant de sa déclaration périodique à la TVA. La suppression du compte-courant s’accompagne également de la suppression du compte spécial.
Cette reprise de la perception par l’AGPR des dettes TVA poursuit également le but de centraliser toutes les créances gérées par l’AGPR dans l’application FIRST (Federal Integrated Recovery System and Tax-refund), de manière à assurer une plus grande efficience et une réduction des coûts de gestion des dettes gérées par le SPF Finances.
La digitalisation croissante des interactions entre les différents acteurs et le SPF Finances au sein de la chaîne TVA s’inscrit dans le cadre de l’élargissement de l’offre de e-services et de la possibilité pour les citoyens et les entreprises de gérer de manière autonome une grande partie des démarches auprès de l’administration fiscale. Ceci permet non seulement un gain de temps, mais également des économies d’échelle pour les différents acteurs.
Ainsi, suivant la nouvelle « chaîne TVA », les assujettis qui déposeront leurs déclarations périodiques mensuellement et qui seront “compliant” verront en général non seulement une accélération des remboursements de leurs crédits TVA, mais également une simplification de la gestion de leurs crédits TVA, au moyen de la plateforme My Minfin (plus aucune forme d’autorisation préalable pour les demandes de restitution mensuelle). Ils pourront également continuer à constituer des provisions en vue du paiement de dettes futures et éviter ainsi de devoir demander des plans de paiement avec des intérêts de retard. Par contre, pour les assujettis tenus au dépôt des déclarations périodiques qui ne respecteront pas leurs obligations de dépôt (les assujettis qui ne déposeront pas ou déposeront tardivement leurs déclarations), une procédure automatisée qui s’inspire de la proposition de déclaration simplifiée (PDS) en matière d’impôts sur les revenus, sans en avoir toutes les caractéristiques, sera appliquée afin de pallier l’inertie de l’assujetti. Cette procédure de déclaration de substitution constituera un incitant pour les assujettis à déposer leurs déclarations périodiques, même de manière tardive, et permettra d’assurer une plus grande perception de la TVA.
Enfin, il sera désormais possible de solliciter un paiement de la TVA due par domiciliation bancaire.
En résumé, vous l’aurez compris, la modernisation de la « chaine TVA » servira à réduire le « VAT Gap », automatiser, moderniser et harmoniser les procédures pour une administration efficiente, encourager les comportements vertueux et l’auto-gestion des assujettis et promouvoir le traitement équitable des assujettis, ce qui permettra dès lors à l’administration fiscale d’optimiser son temps et de le mettre à profit pour mieux contrôler les assujettis afin de ramener, le plus rapidement possible, de l’argent dans les caisses de l’Etat.
Pour éviter les désagréables surprises, nous ne pouvons dès lors que conseiller aux assujettis de respecter leurs obligations en termes de délai de dépôt de leurs déclarations périodiques à la TVA et de paiement puisque les amendes proportionnelles et non proportionnelles ont également été endurcies en cas de non-respect des nouvelles dispositions précitées.