La vraie portée de l’arrêt de la Cour constitutionnelle sur les droits d’auteur en matière fiscale

La Cour constitutionnelle a rendu un arrêt du 16 mai 2024, qui rejette deux recours en annulation introduits par des contribuables contre les dispositions de la loi du 26 décembre 2022 par lesquelles le législateur a limité le champ d’application du régime fiscal des droits d’auteur.

Le motif de ce rejet est que la Cour considère que le législateur pouvait, sans enfreindre la Constitution, décider que les titulaires de droits intellectuels sur des programmes informatiques ne pourraient plus bénéficier du régime fiscal plus avantageux réservé aux bénéficiaires de droits d’auteur.

Elle en déduit dès lors qu’il n’y a pas eu de discrimination à leur égard.

Dans la mesure où la Cour constitutionnelle a décidé que, s’il faut interpréter la loi comme excluant les bénéficiaires de programmes informatiques du régime des droits d’auteur, il n’y a pas de violation de la Constitution, il s’agit d’une décision qui s’impose à tous.

Le rôle de la Cour constitutionnelle est en effet de vérifier la conformité des normes à la Constitution, et rien d’autre.

Le pouvoir de la Cour constitutionnelle s’arrête toutefois là. Lorsque la Cour fait une interprétation d’une disposition légale, elle peut donc décider que, dans cette interprétation, un texte légal viole ou ne viole pas la Constitution.

En revanche, l’interprétation que fait la Cour constitutionnelle d’une disposition légale ne s’impose pas aux Cours et tribunaux de l’ordre judiciaire. Ceux-ci ne doivent respecter le point de vue de la Cour constitutionnelle que dans le cadre du pouvoir exclusif de celle-ci, qui est le contrôle de la constitutionnalité des lois.

Typhanie Afschrift

Avocate fiscaliste, professeure ordinaire à l’ULB

En d’autres termes, les Cours et tribunaux, depuis les Chambres fiscales des tribunaux de première instance jusqu’à la Cour de cassation ont parfaitement le droit d’interpréter les dispositions de la loi du 26 décembre 2022 d’une autre manière que l’a fait la Cour constitutionnelle.

Ces tribunaux restent libres de considérer que, même sous l’empire de la nouvelle loi, les bénéficiaires de droits sur des programmes informatiques peuvent encore bénéficier du régime plus avantageux des droits d’auteur.

Une telle interprétation, donc différente de celle de la Cour constitutionnelle est d’autant plus vraisemblable que les arguments retenus par la Cour constitutionnelle dans l’interprétation qu’elle a choisie sont loin d’être décisifs : ils se limitent à l’analyse des travaux parlementaires, c’est-à-dire essentiellement de l’exposé des motifs contenant le point de vue du ministre, et ce sans tenir compte de la règle fondamentale suivant laquelle on ne peut recourir aux travaux préparatoires que dans l’obscurité de la loi.

Contrairement à ce qui semble avoir été dit dans les premières réactions à cet arrêt, la controverse sur l’applicabilité du régime des droits d’auteur en matière de programmes informatiques est donc loin d’être résolue.