Le gouvernement bruxellois a adopté le 30 juin 2023, en séance plénière, une ordonnance du 6 juillet 2023 visant à modifier « le Code des droits de succession et le Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe en vue d’adapter le droit fiscal bruxellois aux nouvelles structures familiales et de faciliter les transmissions entre générations ». Cette ordonnance a été publiée au moniteur belge le 27 septembre 2023.

Comme son nom l’indique, cette ordonnance a pour objectif d’adapter et de moderniser les Codes des droits de succession et des droits d’enregistrement par rapport à la société actuelle.

Concrètement, cette ordonnance prévoit les quatre modifications suivantes :

 

  1. Les cohabitants de fait

L’ordonnance bruxelloise instaure l’application, sous réserves de la rencontre de certaines conditions, des tarifs successoraux les moins élevés (de 3 à 30%) aux cohabitants de fait qui formaient, avec le défunt, un ménage commun. Cette même adaptation est également ajoutée au Code des droits d’enregistrement (3% en matière mobilière et 3% à 27% en matière immobilière).

Pour obtenir le bénéfice des taux les plus faibles en matière successoral et/ou en droits d’enregistrement, il est nécessaire que la cohabitation de fait ait pris place au moins un avant le décès ou la donation.

Pour obtenir le tarif réduit sur la résidence principale du défunt, ainsi que pour l’application du régime préférentiel en matière de transmission d’entreprises et sociétés familiales, ce même délai est porté à trois ans.

 

  1. La personne sans lien de parenté avec le défunt ou le donateur

Tout d’abord, le législateur bruxellois requiert désormais que les enfants adoptés (adoption simple) aient reçu les secours et les soins de l’adoptant (et de son partenaire ensemble) pendant un an et non plus trois, comme cela était prévu auparavant (article 52-2, 3° du Code des droits de succession). Cet alignement vaut tant en matière de succession qu’en matière de donation.

En outre, cette même règle est applicable pour les personnes ayant cohabité pendant un an avec le défunt et qui ont reçu les soins et les secours « que reçoivent normalement les enfants de leurs parents ».

Enfin, le taux réduit du droit de succession visé à l’article 60ter du Code des droits de succession en ce qui concerne la résidence principale du défunt, est désormais applicable aux personnes assimilées aux ascendants ou descendants de ce dernier.

 

  1. Instauration d’un taux réduit de 3% pour les personnes étrangères au défunt

Comme on le sait, les tarifs en matière de droits de succession varient selon le lien de parenté entre le défunt et l’héritier ou légataire.

Plus le lien de parenté est éloigné, ou inexistant, plus les tarifs sont élevés, de sorte qu’un « étranger » au défunt (un ami par exemple) est taxé à des taux extrêmement confiscatoires, allant jusqu’à 80% au-delà de 175.000 €.

Le législateur bruxellois s’est rendu compte que la société évoluait, de sorte que les citoyens ressentent l’envie et le besoin de partager leur patrimoine avec des personnes qui ne font pas toujours partie de leur famille au sens juridique du terme.

Le législateur envisage le cas de figure des personnes qui « bien que non apparentées ou apparentées à des degrés lointains, leur ont par exemple apporté l’aide et le soutien que nécessitent l’âge et les soucis de santé et pertes d’autonomie qu’il entraîne, que ce soit en matière de mobilité, d’entretien de la résidence, de tâches ménagères, de démarches administratives, etc. ».

Le gouvernement bruxellois prend également en compte la réforme du droit civil successoral intervenue en 2018, par laquelle les pouvoirs de disposition du défunt ont été étendus, ce dernier ayant désormais la possibilité de disposer à titre gratuit de la moitié de son patrimoine, sans avoir égard au nombre d’enfant. Cette mesure participe à l’idée qu’il existe désormais une liberté accrue de transmettre à des personnes étrangères à la famille, et les droits de succession très élevés empêchent ou dissuadent de facto le défunt d’exercer cette liberté.

Le gouvernement a dès lors voté la mesure selon laquelle il est possible de transmettre à titre gratuit à un taux avantageux de 3% sur les 15.000 premiers euros, au bénéfice d’une ou de plusieurs personnes physiques (à répartir éventuellement, selon les désidératas du défunt). De cette façon, le défunt choisir de favoriser une seule personne de son entourage, ou peut utiliser son « joker » envers plusieurs personnes, pour autant que le montant global ne dépasse pas 15.000 €.

Par rapport aux tarifs actuellement en vigueur, cette mesure permet concrètement une économie d’impôt qui peut atteindre 2.675 € pour les frères et sœurs, 4.800 € pour les oncles, tantes, neveux et nièces, et 5.500 € pour les autres personnes.

 

  1. Suppression de l’article 68 du Code des droits de succession

Cet article nécessite de comparer les deux situations suivantes : la situation dans laquelle l’héritier en ligne directe (enfant) ne renonce pas à la succession et celle dans laquelle il renonce au profit de son propre enfant ou de quelqu’un d’autre, selon la dévolution légalement applicable.

Il s’agit donc de calculer l’impôt qui aurait été payé par le renonçant s’il n’avait pas renoncé à la succession et l’impôt effectivement payé par le bénéficiaire de cette renonciation (par exemple, le propre enfant du renonçant). L’impôt payé par ce dernier ne peut être inférieur à l’impôt qu’aurait dû payer le renonçant à défaut de renonciation. Cette mesure était antérieurement une mesure anti-abus.

Cet article peut avoir pour effet de dissuader le parent à transmettre le patrimoine dont il hérite à son propre enfant, qui, étant sans doute à un âge moins avancé, est davantage dans le besoin au moment du décès de son grand-père ou de sa grand-mère.

Le législateur bruxellois supprime tout simplement cet article.

Cette ordonnance entre en vigueur le 1er janvier 2024 et est applicable aux successions ouvertes à partir de cette date ainsi qu’aux donations conclues à cette date.

Laure VANDE PUTTE