Cela peut paraître déroutant pour n’importe quel juriste, mais il arrive que la Cour constitutionnelle, tout en déclarant une loi contraire à la Constitution, décide quand même de la maintenir en vigueur pendant quelque temps.

La Cour en a parfaitement le droit ; c’est d’ailleurs prévu comme une possibilité, et non une obligation, par la loi qui régit la Cour constitutionnelle. Il s’agit de possibilités qui sont aussi prévues dans d’autres régimes juridiques.

Ce qui est évidemment très frustrant, c’est qu’en même temps la Cour constitutionnelle reconnaît qu’un texte est contraire à la Constitution et en décide en principe l’annulation, mais elle décide de quand même le maintenir. Cela revient clairement à décider que l’on peut appliquer des lois même contraires à la Constitution, ce qui est normalement incompatible avec la hiérarchie des normes.

De telles lois existent notamment en matière fiscale : un impôt est annulé, mais cette annulation ne peut être invoquée qu’à partir d’une certaine date, ce qui permet de maintenir les effets, pourtant contraires à la Constitution, de telles lois. Des impôts ainsi perçus ne doivent dès lors, en principe, pas être remboursés, et même parfois, si la date d’entrée en vigueur de l’annulation se situe dans le futur, on permet encore à l’Etat de percevoir des impôts que l’on vient de considérer contraires à la Constitution.

Un important arrêt de la Cour d’appel de Mons, du 22 septembre 2023, pourrait mettre fin à cette aberration logique. Des contribuables s’étaient en effet plaints du fait que lorsque la Cour constitutionnelle a annulé la « fairness tax », en 2018, elle en a maintenu les effets pour la période entre 2014 et 2018. Elle a motivé sa décision « pour tenir compte des difficultés budgétaires et administratives et du contentieux judiciaire qui pourraient découler de l’arrêt d’annulation ».

La Cour a ainsi confirmé ce que certains juristes lui reprochent : un trop grand respect pour les nécessités budgétaires, allant au-delà du respect dû à la Constitution, dont elle est le gardien.

Mais la Cour d’appel de Mons considère que le fait, pour le législateur, d’avoir voté une loi contraire à la Constitution est un acte fautif, qui justifie une réparation. Et elle considère que la décision de la Cour constitutionnelle de maintenir les effets de cet acte fautif ne fait pas disparaître cette responsabilité. On pourrait même dire que la Cour constitutionnelle n’a fait qu’aggraver les dommages en maintenant un tel texte.

La Cour d’appel de Mons a ainsi condamné l’Etat belge à restituer la taxe perçue, pour les années 2014 à 2018.

Un tel arrêt devrait donner des idées à des contribuables victimes, eux aussi, du maintien des dispositions légales pourtant déclarées contraires à la Constitution. Il y a toutefois une condition à respecter pour obtenir gain de cause : il faut que les recours soient encore ouverts contre la taxe réclamée par l’administration.

 

Typhanie AFSCHRIFT