- Depuis l’entrée en vigueur de l’échange automatique d’informations bancaires entre Etats, l’administration fiscale belge est inondée par la communication d’informations relatives à l’existence de comptes étrangers détenus par les contribuables belges.
Pour les dossiers que l’administration fiscale belge décide de traiter, de nombreux contribuables belges font ainsi l’objet d’enquêtes fiscales conduisant à des rectifications portant sur d’autres années que celles visées par l’échange d’informations lorsque les revenus étrangers n’ont pas été déclarés ou l’ont été de manière partielle ou incorrecte.
Dans la plupart des cas, l’administration fiscale belge inflige, en outre, un accroissement d’impôt de 50 % présumant l’existence d’une intention frauduleuse.
- Cette pratique de l’administration fiscale a, à juste titre, été sanctionnée récemment par le Tribunal de première instance d’Anvers dans un jugement du 3 mars 2023.
Dans cette affaire, l’administration fiscale avait reçu des données bancaires au sujet d’un contribuable pour les années de revenus 2017 et 2018.
Selon les fiches CRS, le contribuable visé était titulaire de comptes bancaires ayant produits des intérêts.
L’administration fiscale estimait pourvoir taxer les années de revenus 2013 à 2016 sur la base de l’article 340 du code des impôts sur les revenus (« CIR »), à savoir une présomption de l’homme. Elle détermina le montant des revenus des années non visées par les fiches CRS par analogie sur base de la moyenne des revenus mentionnés pour les années de revenus 2017 et 2018. Elle estima, en effet, que les fiches CRS constituaient le fait connu de la présomption à partir duquel elle pouvait estimer le montant des revenus taxables des autres années.
Pour les années de revenus 2017 et 2018, elle appliqua une procédure de taxation d’office car le contribuable visé n’avait pas répondu à la demande de renseignements.
- Le tribunal rejeta le point de vue de l’administration fiscale.
Il constata d’abord que les conditions de l’article 358, § 1er, 2° et 3° du CIR (qui permet, en cas d’obtention d’informations de l’étranger, d’imposer au-delà du délai ordinaire de taxation) n’étaient pas réunies pour taxer les années de revenus 2013 à 2016 car les informations reçues de l’étranger sont relatives aux années de revenus 2017 et 2018.
En ce qui concerne les années de revenus 2017 et 2018, le tribunal jugea, en revanche, que l’administration fiscale avait pu recourir valablement à la procédure de taxation d’office en dépit du fait que le contribuable visé avait tenté d’obtenir auprès des institutions bancaires étrangères des informations bancaires mais qu’il n’avait pas reçu de réponse.
Enfin, le tribunal estima que même si le contribuable n’avait pas déclaré tous ses revenus étrangers, l’administration fiscale ne pouvait purement et simplement déduire de cette seule circonstance l’existence d’une intention frauduleuse pour appliquer un accroissement d’impôt de 50 %.
Le juge décida, dès lors, de réduire cet accroissement à 10 %.
- Les enseignements à retenir de cet excellent jugement du Tribunal de première instance d’Anvers sont donc :
- l’administration fiscale belge ne peut enquêter au sujet des années de revenus qui ne sont pas visées par les échanges d’informations CRS ;
- l’accroissement d’impôt de 50 % ne peut s’appliquer automatiquement, par défaut.
Si vous recevez donc en 2023 une demande de renseignements fondée sur les échanges d’informations CRS qui montrent que vous avez reçu en 2021 des intérêts d’un compte bancaire étranger, l’administration fiscale ne pourrait valablement sur base de cette seule circonstance vous poser des questions au sujet des années de revenus 2016 à 2020 (pour lesquelles le fisc n’a reçu aucune information étrangère). En principe, l’administration fiscale serait donc forclose pour contrôler et taxer ces années de revenus. Le délai de 7 ans (ou de 10 ans à partir de l’exercice d’imposition 2023) appliqué en cas de fraude fiscale ne peut, en effet, se justifier en l’absence de preuves quant à une intention frauduleuse, démontrée dans chaque cas d’espèce.
Angélique PUGLISI