L’arriéré judiciaire, causé en grande partie par le fait que notre Etat se soucie peu de la justice, est une des plaies de notre système. Des justiciables attendent de très longues années avant que justice leur soit rendue.

La Belgique vient d’être condamnée à propos d’un litige qui avait duré beaucoup plus que le « délai raisonnable » garanti par la Convention européenne des droits de l’Homme.

Cet arrêt, rendu en matière fiscale, par la Cour européenne des droits de l’Homme, peut être à la base d’une jurisprudence permettant d’obtenir une indemnité pour un arriéré judiciaire excessif.

En l’espèce, le contribuable avait introduit une réclamation, sous le régime antérieur à la loi rénovant la procédure fiscale en 1999. L’administration avait mis plus de quatre ans pour y répondre, en la rejetant. Ensuite, son recours devant le Tribunal de première instance n’avait été tranché qu’après trois ans et trois mois (ce qui est malheureusement courant…).

La Cour européenne des droits de l’Homme a jugé ces délais excessifs et a condamné la Belgique.

En revanche, elle a constaté que la société qui avait introduit les recours ne faisait pas la preuve d’un préjudice devant être réparé. La Cour considère dès lors que le préjudice moral de la société, causé par le fait de devoir attendre un jugement pendant des années, « est suffisamment compensé par la simple constatation de la violation du délai raisonnable ».

La société n’a sans doute pas dû être satisfaite de cette dernière décision. Il faut toutefois relever que, souvent, il existe des vrais préjudices indemnisables dans le chef de contribuables (et souvent, d’autres justiciables) qui doivent attendre une décision pendant des années.

L’élément le plus évident est celui des intérêts de retard, qui sont dus pendant six mois lors de la procédure administrative, et pendant toute la procédure judiciaire, sur les montants que le contribuable doit finalement payer. Le fait de devoir attendre pendant des années accroît sensiblement ces intérêts, dont le taux a d’ailleurs été récemment relevé. On peut tout à fait imaginer qu’il soit possible de demander une suppression ou une réduction de ces intérêts de retard en raison de la violation du droit à un délai raisonnable.

D’autres indemnités peuvent être éventuellement être demandées lorsque des saisies ont été pratiquées par l’Etat, et que celles-ci empêchent la libre disposition de fonds qui auraient pu être mieux investis, notamment dans une entreprise.

L’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme, du 3 novembre 2022 peut donc ouvrir la voie à des indemnisations.

Il faut toutefois à notre avis que le contribuable puisse aussi établir qu’il n’a pas contribué au retard dans le traitement de sa cause, par exemple par des demandes de remise abusives, des conclusions tardives ou d’autres manœuvres dilatoires. Un tel comportement pourrait à tout le moins entraîner à une réduction des indemnités réclamées.

Il faut espérer que cette condamnation amène l’Etat belge à prendre des mesures efficaces, pour que la Belgique cesse d’être un des pays européens où la justice est rendue avec la plus grande lenteur.

Typhanie AFSCHRIFT