Article paru dans Contrepoints

Depuis longtemps, circule l’idée de l’impôt universel : soumettre à l’impôt sur le revenu les personnes de nationalité française vivant à l’étranger.

Depuis longtemps, circule l’idée de soumettre à l’impôt sur le revenu, non seulement les résidents français, comme c’est le cas actuellement, mais aussi les personnes de nationalité française vivant à l’étranger.

Un récent rapport d’information a été écrit sur ce sujet par la commission des Finances de l’Assemblée nationale. Sans avaliser un tel projet, cette commission préconise certaines mesures pouvant conduire à une taxation de certains revenus, et notamment, de plus-values pour les personnes quittant la France.

Un prétendu pacte républicain

Le raisonnement suivi par les partisans d’une telle extension de l’impôt sur le revenu aux personnes de nationalité française vivant à l’étranger se fonde en général, sur un souhait de faire participer ces personnes au budget de l’État français, sur la base prétendue d’un « pacte républicain ».

Nous savons bien que, tout comme le « contrat social », un tel pacte n’a jamais été signé par personne, et n’engage en réalité personne non plus, sauf si on le limite à la Constitution.

Telle n’est évidemment pas la conception des partisans de l’instauration d’un tel impôt : ils se basent sur une notion large de ce prétendu « pacte républicain ». Rien n’est évidemment plus facile que d’élargir la portée d’un texte qui n’existe pas et de lui faire dire ce que l’on souhaite.

L’idée même de faire participer des personnes au budget en fonction seulement de leur nationalité se heurte au principe traditionnel de la territorialité de l’impôt. Dans la quasi-totalité des pays du monde, l’impôt est perçu sur des situations qui présentent un lien avec le territoire national. Il s’agit en général de la résidence des contribuables, mais parfois il peut également s’agir de la situation de certains de leurs biens, notamment immobiliers ou encore de l’origine du revenu. Mais, en matière fiscale, ce n’est pas la nationalité qui peut servir de critère de rattachement.

Il faut d’ailleurs reconnaître que c’est là parfaitement logique. Les impôts sont destinés à participer au financement des services publics dont bénéficient les contribuables. Lorsque l’on vit dans un pays, on considère comme normal de contribuer à ces services. Mais on peut parfaitement avoir la nationalité d’un pays sans jamais bénéficier d’aucun des services de l’État dont on est citoyen. Il n’y a donc pas de justification à devoir payer en fonction de la nationalité.

Il en est d’autant plus ainsi que, si des personnes vivent dans un pays étranger, elles sont déjà amenées à contribuer aux dépenses de leur État de résidence.

Un impôt très difficile à mettre en place

C’est pour cela qu’en matière d’impôts sur les revenus la totalité des conventions préventives de la double imposition prévoit l’attribution du pouvoir fiscal à l’État de résidence exclusivement. Toute modification des règles françaises obligerait ainsi la France à renégocier toutes les conventions qu’elle a conclues avec d’autres pays, et l’on voit mal ceux-ci accepter de renoncer au pouvoir de taxer leurs propres résidents, fussent-ils français, pour permettre à la France de les imposer. Ce n’est donc pas simplement une question d’ordre technique et un lourd travail administratif que de renégocier. C’est tout simplement  impossible, à moins de favoriser une double imposition parfaitement inique.

L’exemple, souvent évoqué, des États-Unis, qui taxent effectivement leurs nationaux où qu’ils vivent, n’a rien de décisif. Cette mesure provient historiquement de la volonté des vainqueurs de la guerre de Sécession de continuer à traquer les Sudistes vaincus, en les soumettant aux nouveaux impôts sur les revenus établis à la fin de cette guerre. Cela relève plus d’un comportement de revanchards que de la justice fiscale.

L’idée d’un impôt universel correspond simplement à une volonté tendant à empêcher toute concurrence fiscale. Ce qui dérange, en réalité, c’est que des contribuables quittent la France parce que celle-ci est un des pays les plus lourdement taxés au monde. Sur le plan fiscal, pratiquement tous les autres pays font une concurrence à la France, sans nécessairement le vouloir, tout simplement parce que sur le plan patrimonial, résider en France n’a plus aucun intérêt.

La bonne réaction serait, pour la France, de devenir compétitive, en abaissant enfin ses impôts. Les partisans de l’impôt universel croient que pour éviter la concurrence, il faut encore augmenter les recettes fiscales et traquer les citoyens qui vont ailleurs. Pour atteindre réellement cet objectif, il resterait la solution nord-coréenne : fermer à clé le paradis socialiste.

Thierry Afschrift