Interview de Thierry Afschrift

La Société d’avocats Afschrift Tax and Legal a introduit un recours en annulation de la loi du 17 février 2021 portant introduction d’une taxe annuelle sur les comptes titres. Pourquoi ?

 Le recours a été introduit par la Ligue des contribuables, une Association Sans But Lucratif qui défend les droits des contribuables. Celle-ci a fait appel, comme avocats, à mon Associé, Me Spyridon Chatzigiannis et moi-même.

L’objectif du recours est d’obtenir l’annulation de cette taxe.

Pourquoi s’acharner sur une taxe qui n’est tout de même que de 0,15 % ?

 Le taux de la taxe est certes relativement réduit. Mais il ne faut pas oublier que cette taxe s’applique, non pas aux revenus, mais au capital lui-même. Et que souvent, avec les taux d’intérêts très bas que nous connaissons, les 0,15 % représentent une part significative du revenu, avec un risque de spoliation. Enfin et surtout, le débat sur la constitutionnalité de la taxe doit avoir lieu dès que celle-ci est introduite, dans son principe. L’on sait que beaucoup d’autres impôts ont été établis d’abord à des taux relativement réduits, pour devenir, au fil du temps, confiscatoires. L’impôt sur le revenu en est le meilleur exemple.

Sur le plan juridique, que reprochez-vous à la loi ?

Nous avons introduit dix moyens d’annulation contre cette taxe. C’est dire que nous lui reprochons beaucoup de choses. A commencer par sa conception même. L’on fait croire qu’il s’agit d’une « taxe d’abonnement » et qu’elle frappe les comptes titres eux-mêmes, ce qui n’est à notre avis pas vrai lorsqu’on examine les textes dans les détails.

Fondamentalement, nous lui reprochons évidemment d’être contraire à la Constitution.

Pèle mêle, on retiendra que nous reprochons une violation du principe d’égalité et de proportionnalité, parce qu’on frappe les actifs, dont par exemple les actions nominatives, seulement lorsqu’ils sont dans un compte titres, et non autrement, alors qu’on voit mal en quoi l’existence d’un tel compte peut affecter la capacité contributive du contribuable.

Nous critiquons aussi le seuil de 1 million d’euros, qui est sans rapport avec les objectifs de la taxe.

Celle-ci s’applique aux personnes détenant une part valant moins de 1 million d’euros dans un compte atteignant au moins ce montant. On voit mal en quoi cela peut se justifier : si vous possédez 10 % d’un compte de 1 million d’euros, vous êtes taxable alors que si vous avez un compte de 100.000 €, ce qui est la même chose, vous ne l’êtes pas. Et parfois, notamment dans le cas des successions, l’on n’a même pas choisi d’être copropriétaire d’un compte titres …

Nous rejoignons par ailleurs les griefs d’Assuralia, qui conteste l’application de cette taxe, de manière indirecte, au preneur d’une assurance-vie Branche 23, sous prétexte que la compagnie possèderait un compte titres.

Parmi d’autres critiques, nous considérons aussi que la mesure anti-abus de la taxe a une portée trop importante et est excessive par rapport à l’objectif poursuivi, ce qui porte atteinte au principe de légalité. Nous reprochons aussi des violations à la libre circulation des capitaux, notamment pour les titulaires étrangers, eux aussi visés par la loi, ce qui est une pure aberration.

Pensez-vous avoir des chances de succès ?

 Nous n’introduisons jamais de recours si nous ne pensons pas qu’il a des chances d’aboutir.

Nous ne faisons jamais de pronostic non plus quant à des décisions judiciaires ou juridictionnelles mais la décision rendue par la Cour constitutionnelle sur la taxe sur les comptes titres précédente permet certains espoirs.