En matière de déclaration des revenus étrangers imposables, le principe est que les impôts étrangers sont déductibles, et notamment, les précomptes étrangers prélevés par l’Etat de la source du revenu. Par exemple, le précompte mobilier français, sur les dividendes versés par des sociétés françaises à leurs actionnaires résidents belges.
Mais dans de nombreux cas, ce précompte mobilier étranger est limité à 15%, du fait de l’existence des conventions préventives de la double imposition… si ce n’est que le montant réellement prélevé à l’étranger, peut différer du plafond prévu par la convention, obligeant dans ce cas le contribuable à solliciter le remboursement (ultérieur) de la différence.
Le plus souvent, au moment de la déclaration fiscale belge, c’est le précompte complet qui a alors été prélevé, et le remboursement de la différence est en attente. Quel montant faut-il dès lors déclarer en Belgique ? Le montant réellement perçu, ou celui après remboursement (futur, voire éventuel) de la différence trop perçue ?
Le Code des impôts sur les revenus 1992 ne règle pas cette question de manière explicite, et plusieurs interprétations sont envisageables. Dans un premier temps, le fisc avait adopté une position logique… mais qui vient d’être modifiée, on va le voir, par une instruction administrative interne du 26 septembre 2019, dont nous n’avons eu connaissance que tout récemment, vu qu’elle n’a pas été publiée.
Après avoir accepté une déduction totale de l’impôt réellement supporté à l’étranger, logiquement suivie par l’obligation de supporter, le cas échéant, le précompte mobilier sur le remboursement éventuel ultérieur, le fisc indique désormais que ne serait plus déductible que l’impôt étranger prévu par la convention préventive de double imposition.
Cette position repose sur l’idée que seul l’impôt étranger prélevé à bon droit peut être porté en déduction ; partant, l’impôt étranger excédant le maximum conventionnel, ne serait plus déductible – et de ce fait, serait un revenu imposable… alors qu’il n’a jamais été perçu ! Et que de multiples causes peuvent empêcher le contribuable de récupérer l’excédent (à commencer par le fait que le contribuable belge n’est pas nécessairement informé du fait qu’il peut demander un remboursement à l’Etat étranger…).
Cette nouvelle position est à l’évidence contraire à l’article 22 du CIR 92, qui énonce que le revenu net est celui qui a été « encaissé ou recueilli ». La différence prélevée par l’Etat étranger, entre le montant total du précompte (p.ex., 35%) et le maximum conventionnel (15%), n’est évidemment pas « encaissée ou recueillie » par le contribuable, puisque le précompte est prélevé à la source, précisément avant l’encaissement ou la réception.
Ceci n’est pas sans incidence financière… dans ce même exemple, l’impôt belge est prélevé sur un revenu fictif de 85 €, au lieu de l’être sur le revenu net réel de 65 €. Le coût total de l’impôt étranger (35% de 100) et de l’impôt belge (30% de 100-15), réunis, est dès lors de 60,5 % (35 + 30 % de 85), au lieu de 54,5 % (35 + 30 % de 65) – pourcentage lui-même bien supérieur aux 30% applicables à un revenu de source belge.
Cette nouvelle position administrative ne fait que creuser (encore plus) la double imposition discriminatoire déjà existante (et autorisée par les conventions préventives de double imposition) des revenus mobiliers étrangers. Ces revenus mobiliers étrangers sont taxés deux fois : par l’impôt belge et par la retenue à la source, ce qui découle de l’impossibilité, désormais aggravée, de récupérer la retenue étrangère en Belgique.
Par le passé, le mécanisme de la quotité forfaitaire d’impôt étranger prévu dans le droit belge, permettait de contrer cette double imposition. Dans les conventions préventives où ce mécanisme avait subsisté, comme la convention franco-belge, il avait donné lieu à d’âpres litiges. Question réglée aussi à présent, puisque ces conventions sont soit en cours de renégociation, soit, notamment la convention franco-belge, depuis peu renégociées pour la supprimer, et donc asseoir cette nouvelle interprétation administrative.
Désormais, pour éviter légalement cette double imposition pour le moins interpellante des revenus mobiliers étrangers, qui obère significativement le rendement de ces investissements, il faudra accepter de réorganiser son patrimoine mobilier étranger.
Séverine SEGIER