Dans la plupart des pays, sous la pression du GAFI, les avocats font partie de la liste des personnes soumises aux règles anti-blanchiment. Ces règles les obligent habituellement à recueillir les informations sur leurs clients. Dans certains pays, cela peut même les amener, sous certaines conditions, à devoir informer les autorités d’activités de blanchiment soupçonnées chez ceux-ci. La Belgique, tout en soumettant en principe les avocats à la loi anti-blanchiment, prévoit des exceptions très larges, qui rendent ces hypothèses extrêmement rares : le secret professionnel prime sur les obligations de dénonciation lorsque l’avocat défend son client en justice ou évalue sa situation juridique, ce qui comprend l’activité de consultation.
La situation est différente en Suisse, où les avocats ne font pas partie du tout de la liste des professions visées par la loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d’argent. Ils le sont en réalité que lorsqu’ils exercent une activité professionnelle différente, comme celle de trustee ou de gestionnaire de fortune, qui est en Suisse déontologiquement permise aux avocats, mais qui se différencie de leurs activités soumises au secret professionnel. L’article 2 de la loi, qui énumère les professions visées par le dispositif anti-blanchiment ne cite pas les avocats, ni d’ailleurs les notaires, les experts-comptables ou les conseillers fiscaux.
Le Conseil fédéral (gouvernement) suisse avait proposé, toujours sous la pression du GAFI, d’ajouter les avocats dans cette liste, pour certaines activités particulières, comme l’assistance à la constitution par des clients de sociétés offshores.
Même dans cette limite, le projet a été rejeté par les deux chambres du Parlement suisse, à une très large majorité. Les parlementaires ont considéré que le secret professionnel devait toujours primer, de sorte que les avocats ne figurent toujours pas sur la liste des professions soumises à la loi anti-blanchiment.
Ceci ne veut évidemment pas dire qu’ils peuvent aider leurs clients à blanchir de l’argent. Simplement, tant qu’ils restent dans leur rôle d’avocat, ils ne sont pas soumis à cette législation, et il n’y a donc aucun risque qu’un avocat suisse soit amené à dénoncer son client aux autorités.
On peut tout d’abord conclure de tout cela qu’il existe encore heureusement des pays où le Parlement sert à quelque chose, et où les projets du gouvernement ne sont pas purement et simplement entérinés.
En outre, ceci montre qu’à la différence de la plupart des autres pays, la Suisse garde intacte sa préoccupation pour le respect de la vie privée, et celui des droits de la défense, dont le secret professionnel est un élément essentiel.
Thierry AFSCHRIFT